Présentation de maître Liang Chao Qun

LE TAO PERPETUE




A 15 ans il partit pour un périple de trois jours et trois nuits à travers 5 provinces chinoises dans le but de rencontrer une légende vivante : maître WAN Laisheng. En la présence de cet homme âgé de 80 ans qui avait entraîné Tchang Kai Tchek et les généraux du guomindang au combat, jamais le jeune LIANG Chao Qun n’aurait imaginé lui succéder un jour. Et pourtant ! Entretient avec un des fidèle détenteur du Kung Fu traditionnel chinois.

 

Fidèle à la maxime « un maître , un élève » LIANG Chao Qun perpétue le savoir colossal que lui a légué son maître WAN Laisheng en matière d’arts martiaux chinois. En France depuis 4 ans, c’est ce savoir qu’il propose aux pratiquants tant en interne (Tai ji, Bagua, Xin Yi, Qi Gong) qu’en Kung Fu externe (Shaolin, pratique des armes traditionnelles, combat, Qinna...). Fort de cet exceptionnel héritage martial, maître LIANG nous entretient sur les relations maître à disciple et sur l’évolution des arts martiaux chinois

 

PORTRAIT CHINOIS

 

Si j’étais ...

un pays : la Chine

un jeu : le billard

un métier : traducteur

un juron : ayaaa

une expression favorite : c’est naturel!

un hobbie : les voyages et la calligraphie

un livre : les mémoires historiques de Sima Qian

un film : La fureur du Dragon

un conseil : ne jamais oublier les bases de son art

un conseil qui m’a marqué : un jour mon maître m’a donné ce conseil inspiré des paroles de Confucius «Dans la vie, sois toujours loyal envers toi-même et indulgent envers les autres ».

 

Maître LIANG Chao Qun en quelques dates

 

1980 : Il débute l’apprentissage du Kung Fu avec maître WAN Laisheng chez lui dans la province du Fujian

1991 : Il remporte la première compétition d’arts martiaux chinois organisée à Wudang Shan dans le Hubei

1992 : décès de maître WAN Laisheng, LIANG Chao Qun devient l’héritier de la 4eme génération de Ziran Men ou école naturelle

1993 : Maître LIANG Chao Qun enseigne le combat aux commandos marines chinois

1994 : Il publie 3 ouvrages aux éditions de l’université des sports de Pékin sur la pratique du Kung Fu

1996 : arrivée de maître LIANG en France dans le but de propager l’enseignement des arts martiaux traditionnels chinois

 

Son maître WAN Laisheng



Né en 1903 à Wuhan dans la province du Hubei, WAN Laisheng a la chance d’être élevé dans une famille aisée ce qui lui permettra de suivre des études universitaires et de pratiquer les arts martiaux intensivement. De fait, il se rendra en 1920 à Pékin pour étudier l’agriculture. Passionné depuis sa plus tendre enfance par les arts martiaux, le jeune homme entreprend de mener de front ses difficiles études et la pratique du Kung Fu. Et c’est auprès de Zhao Xin Zhou qu’il trouvera son premier maître, sous la férule duquel il s’adonnera à l’étude du Liu He Men de la famille Shaolin du nord. S’ensuivra alors la valse des maîtres, tous plus prestigieux les uns que les autres, et subjugués par les dispositions du jeune WAN Laisheng. Ainsi Du Xin Wu fera de WAN Laisheng l’héritier de la troisième génération de l’école naturelle, Wang Xian Zhai puis Liu Sheng Xian lui découvriront le Taoïsme, Yang Wei Zi lui livrera quantité de techniques Shaolin secrète et Wang Yong Biao en fera un thérapeute réputé. Sans oublier le mystique Deng Zi Ling et son héritage ésotérique, héritage qui n’est toujours délivré qu’à un seul disciple par génération. Puis en 1928 lors de la célèbre compétition qui eut lieu à Nankin, WAN Laisheng se distingue des autres concurrents, ce qui lui vaudra de rencontrer Liu Bai Chuan, détenteur de la boxe Shaolin des Luohan. Cet ancien officier impérial de la cour des Qing se verra confier par le maître Du Xinwu son jeune et brillant élève WAN Laisheng. Bien que les compétences de maître WAN Laisheng s’étendent également à de nombreuses formes de Tai Ji Quan, de Qi Gong ou de Xin Yi Quan, ses styles de prédilections demeurent le Liu He Men ou poing des six combinaisons et le Ziran Men ou école naturelle. Ce sont d’ailleurs ces deux styles qu’il colportera dans la partie méridionale de la Chine en la compagnie de quatre autres experts dont Gu Ruzhang et dont on se souvient encore comme « les cinq tigres partis à la conquête du sud ». WAN Laisheng, a en outre composé 15 ouvrages qui font toujours autorité de nos jours tant en médecine et en Kun Fu qu’en littérature ou même en politique. Comme en Chine la tradition voulait que l’enseignement des arts martiaux soit gratuit, Maître Wan Laisheng gagnait sa vie grâce à ses connaissances en médecine traditionnelle qui lui permettaient de réduire les fracture, de stopper les hémorragies voire même de guérir certaines tumeurs. C’est pour cela qu’ il était autant respecté pour ses talents martiaux que pour ses qualités humaines.

 

Interwiew donné au magazine Ceinture Noire en 2000:



1) Ceinture Noire :Pourquoi avez-vous débuté la pratique des arts martiaux ?

 

Maître LIANG Chao Qun : Enfant j’ai dévoré tous les romans de la littérature picaresque chinoise (Roman Au bord de l’eau, Les trois royaumes...) où les arts martiaux tiennent une place prépondérante. A 10 ans je désirais bien sur être comme ces héros de l’antiquité à la puissance hors du commun .Je me suis alors mis à consulter la presse martiale comme « Wulin » et j’ai été attiré par le Chang Quan ou boxe du nord. A l’époque le temple de Shaolin était inconnu du public, et se trouvait dans un triste état à la suite des affres de la révolution culturelle. Il n’était vraiment pas aisé de pratiquer la boxe du nord, surtout si comme moi on était issu de Canton. Puis je suis tombé sur un article consacré à maître WAN Laisheng et j’ai immédiatement été frappé par le personnage et la vastete de son savoir. J’ai alors décidé d’aller à la rencontre de cet homme qualifié d’extraordinaire par ses pairs. Avec l’aval et le soutien de mes parents car je n’avait que 15 ans. S’ils ne m’avaient approuvés, je n’aurais certainement pas pu continuer les arts martiaux.

 

2) CN : Racontez-nous votre première entrevue avec maître WAN Laisheng.

 

LCQ : Après ce que l’on peut appeler un véritable périple j’ai enfin été mis en présence de maître Wan.. Quelques élève s’entraînaient alors sous sa direction dans la cour et dans son couloir. Il m’a demandé ce que je voulais car il ne possédait pas d’école ni de salle et il était libre de choisir ses disciples. A 80 ans il avait déjà connu bon nombre d’élèves et il a accepté que je reste quelques temps pour voir si c’était vraiment ce qui me convenait. Il avait au préalable contacté mes parents afin de s’entendre avec eux sur mon choix par rapport à leur situation. Je suis resté 6 années avec mon maître sans rien payer . C’était quelqu’un de très généreux et sa rencontre est certainement ce qui m’est arrivé de mieux au cour de ma vie. Par la suite, lorsque j’ai commencé à gagner ma vie j’ai essayé tant bien que mal de lui être reconnaissant, financièrement parlant je veux dire.

 

3) CN : Comment se déroulait son enseignement ?

 

LCQ : Maître Wan enseignait 3 fois par semaine, le plus souvent dans un couloir qui n’excédait pas 1m20 de large. Lorsque des habitants de l’immeuble rentraient ou sortaient avec leur vélo, on était tous obligés de s’interrompre pour laisser le passage. Sa méthode était des plus traditionnelle car il ne montrait un mouvement plus de trois fois et il fallait se contenter de ses très rares recommandations. Il ne contrôlait pas au sens où on l’entend car il ne se préoccupait pas du tout du travail des élèves. Seulement il pouvait vous demander subitement d’exécuter tel enchaînement que vous deviez effectuer parfaitement. Si vous bafouillez il ne fallait pas espérer apprendre quelque chose de nouveau. Ainsi s’effectuait l’évolution avec maître WAN Laisheng, très naturellement. De plus il se faisait sa propre idée sur un élève en le soumettant à des tests subtils censés éprouver son honnêteté, sa persévérance ou sa grandeur d’âme. Et ce la plupart du temps à l’insu de l’élève concerné. Plus tard, au bout de trois ans de pratique intensive, les meilleurs procédaient à un examen conduisant au le Bai Shi, c’est à dire la cérémonie d’intronisation véritable dans l’école. On devenait alors Tudi ou disciple interne. Maître WAN parmi ses milliers d’élèves n’a pas accordé cet honneur à plus d’une quarantaine d’entres eux. Pour en revenir  au personnage même, on peut dire qu’il parlait plus qu’il n’enseignait le Kung Fu et c’était merveille que d’écouter ses monologues philosophiques ou historiques. Son enseignement débordait largement le seul cadre martial et j’ai de la chance d’avoir pu profiter de sa grande culture et de ses qualités humaines qu’il souhaitait également transmettre aux élèves. Petit à petit s’instaurait alors avec le maître une relation qui devenait vraiment d’ordre sentimental, et j’ai aimé mon maître comme mon père, alors que de son côté il m’a aimé plus que son propre fils. Pour preuve, c’est mon maître qui m’a donné mon nom, chose très significative dans la culture chinoise.

 

4)    CN : Comment s’effectue la transmission d’un style traditionnel chinois ?

 

LCQ : .Le maître choisit parmi ses disciples internes, les tudi, un élève qu’il estime posséder les qualités nécessaires pour représenter et propager le style tout en apportant une touche personnelle à l’école. Généralement cette étape très importante pour le style a lieu à la fin de la vie du maître. Mais il ne faut pas se méprendre quant aux critères de sélection, car ils sont plus que des critères strictement martiaux. En effet, au delà de ses aptitudes martiales naturelles, le prétendant au titre de successeur doit s’être montré honnête et droit toute sa vie, faire montre d’une vive intelligence et de beaucoup de compréhension et de tolérance à l’égard d’autrui. Il doit en outre présenter des facultés intellectuelles suffisantes pour composer des écrits, livres ou articles, qui participeront à la connaissance des arts martiaux ou tenir des discussions philosophiques. A la fois combattant et lettré hors pair donc ! De ces conditions découlent la survie de l’école, car il ne peut y avoir qu’un seul héritier pour un maître.

 

5) CN : Quelles sont les caractéristiques d’un maître ?

 

LCQ : Mener une vie saine et qui soit exemplaire pour les élèves. C’est-à-dire ne pas fumer, boire très rarement et avec modération, modération qui s’applique à toutes choses de la vie d’ailleurs. De tout, un petit peu. J’ai été frappé par la somme de gens qui se clament maître alors qu’en Chine, berceau même des arts martiaux, le nombre actuel de maître n’excède pas quelques dizaines. Ce mot est lourd de sens et se mérite. D’ailleurs on ne se qualifie pas soi-même de maître, on laisse plutôt le soin à ses pairs de vous en gratifier. En ce qui concerne le niveau, il a baissé de façon dramatique et le monde des arts martiaux a perdu ces 10 dernières années la plupart des figures qui méritaient ce qualificatif de maître. C’est ainsi, chaque nouvelle génération perd un peu plus du niveau des anciens. Les priorités ne sont plus les même et il faut s’adapter aux conséquences que cela induit.

 

6) CN : Il semble que la pratique du Kung Fu en France et la pratique en Chine soient quelque peu différentes n’est-ce pas ?

 

LCQ : Déjà, la vie en elle-même est différente. Le fait est que les chinois consacrent beaucoup plus de temps à la pratique des arts martiaux que les occidentaux. Ajoutez à cela la barrière linguistique et culturelle qui va obliger un français à travailler 3 fois plus et la différence de niveau  devient flagrante. Personne n’est à blâmer, cependant les arts martiaux traditionnels chinois ne se limitent pas à quelques heures hebdomadaires consacrées à un ou deux enchaînements, .je l’ai déjà dit les bénéfices seront proportionnels aux efforts fournis. Il ne faut pas ménager sa peine dans les arts martiaux. Ainsi peut-être il n’y aura plus de distinction. J’ai de plus observé un phénomène de mode qui conduit souvent les gens à pratiquer très assidûment pendant quelques mois, puis à ne plus remettre les pieds en cour. Particulièrement dans les pratiques internes comme le Tai ji ou le Qi Gong. Or il faut savoir que la maîtrise de tels styles, au-delà du bien-être immédiat qu’ils procurent, demandent de très longues années de pratique quotidiennes. Le plus important pour progresser dans les arts martiaux est la régularité.

 

7) CN : Qu’apportent les arts martiaux ?

 

LCQ : Tout d ‘abord un Kung Fu se vit au quotidien. C’est une introspection permanente qui vous façonne petit à petit et vise a développer des qualités autres que martiales : la sincérité, la générosité, la mansuétude, le courage... C’est pour cela qu’il faut conseiller aux pratiquants d’arts traditionnels de s’intéresser à la philosophie et aux classiques si riches en enseignements profonds. En Kung Fu il n’y a pas que le combat et les Tao, on tend parfois à l’oublier.. Une pratique sérieuse vous apportera en outre une approche totalement nouvelle de votre corps et de vos émotions tout en vous conférant une meilleure santé. Il y a tant de choses que les arts martiaux apportent !

 

8)    CN : Pour finir, que pensez-vous de l’instauration dans les arts martiaux chinois de grades comme dans le Budo japonais ?

 

LCQ : Il faut savoir que les grades n’ont pas toujours été absent du Kung Fu chinois .et qu’il existait des équivalences aux cours impériales, les Duans, qui étaient attribué aux pratiquants en fonction de leur niveau, et donc de leur statut (mandarin militaire, instructeurs, gardes du corps...). Ceux-ci disparurent à la suite des différentes répressions ou chute dynastique, dont la dernière en date est la révolution culturelle qui a fait des ravages parmi la famille des arts martiaux chinois. Il est donc louable de vouloir restaurer un tel système. Le problème est que pour le moment le passage de grade ne porte que sur le Wushu moderne. N’importe qui, s’y j’ose dire, est capable d’assimiler un Tao Lu différent de son  propre style et de l’effectuer devant un jury qui décernera le degré. La possession de tel ou tel grade n’est souvent pas significative d’un niveau de pratique, et la plupart des experts que je connais n’en possèdent pas. Mais il faut dire que cette nouvelle institution n’en est qu’à ses balbutiements, et les grades décernés jusqu’alors ne l’ont été  qu’à titres honorifiques. Je ne désespère cependant pas que les arts traditionnels trouvent la place qui est la leur au sein d’une nouvelle organisation internationale unitaire et organisée qui travaillera dans le sens des écoles et pour leurs intérêts. Mon maître m’a inculqué l’enseignement du cœur, et je ne souhaite pas que les arts martiaux traditionnels chinois s’orientent vers un système trop commercial.

 

9)    CN : Vous êtes en France depuis 4 ans, comptez-vous vous installer définitivement en France ?

 

LCQ : En fait je ne pense rester en France que quelques années encore. La Chine est mon pays d’origine et lorsque certains de mes élèves seront en mesure d’enseigner, je compte y retourner, tout en continuant à organiser des stages annuels en France. Certains passionnés ont en effet besoin que les arts martiaux traditionnels chinois se perpétuent dans leur pays et ils le méritent !

 


ENCADRE SUR LES ARMES TRADITIONNELLES CHINOISES




Il est commun de dire que les armes traditionnelles chinoises sont au nombre de 18 : 9 longues et 9 courtes. Cela était vrai, mais il y a plus de 2000 ans ! En effet le panel des armes utilisées s’étend à plusieurs dizaines, qu’elles soient utilisées en boxe du Nord, du Sud ou en arts internes. On oublie trop souvent que la grande partie des armes est en fait constituée d’outils agraires détournés de leur fonction première à une fin défensive. Ces même objets seront petit à petit modifiés par les générations pour aboutir par exemple au Nunchaku (non chinois contrairement à la croyance populaire !) qui n’est que l’aboutissement du fléau censé battre le riz en passant par le bâton à 3 sections, le grand fléau asymétrique ou le petit fléau asymétrique. Les arts martiaux chinois ne dérogent pas à la règle, et l’on y utilise tout autant l’épée du noble chevalier que la pipe à opium domestique (voire le banc !) ou les armes de jets employées lors de missions nocturnes. La situation géographique ainsi que le style pratiqué influencent également le type d’armes employées ou tout simplement l’utilisation de celles-ci. Ainsi le bâton par exemple sera utilisé de façon très puissante et plutôt statique dans le Sud de la Chine alors qu’il deviendra souple et tournoyant dans le Nord.



20/07/2009
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