Shaolin, vous avez dit Shaolin ?
Cela faisait de nombreux mois que le vieil homme suivait la
piste qui conduisait du « Berceau de la civilisation » (L’Inde ), à la contrée
Barbare qu’était la Chine. Avec ses soixante ans, c’était un exploit qu’il put
franchir les massifs de l’Himalaya, traverser le plateau Tibétain et la Chine
intérieur, pour arriver à Chin Ling, capitale de la dynastie Liang. Mais notre
homme, que l’on appelait DAMO (ou Ta Mo ou Pu Ti Ta Mo ou Pu Tu Duo Luo ou
encore Daruma Taishi en japonais), n’étais pas n’importe qui. Moine Indien,
troisième fils du Grand roi Sugandha de la province de Madras, membre de la
caste des Guerriers, c’était un solide Prajnatara, un maître du Mahayana
(courant bouddhique du grand véhicule. Il veut amener le plus grand nombre à
l’illumination) et 28° patriarche après le Bouddha.
Au fur et à mesure qu'il pénétrait en Chine, il put voir la
forte influence que le Bouddhisme exerçait sur le pays. Mais la préférence des
rites, à la réelle compréhension du message Bouddhique l’irrita, et ce fut d’un
air sévère qu’il arriva à la cour de l’empereur Wu. Son renom de Prince, le
précédant, il fut reçu facilement par l’empereur, mais l’entrevue se révéla
orageuse. Da Mo critiqua violemment tout ce qu’il avait pu observer et dénonça
ce qu’il considérait comme des actes de « bonne conscience ». L’empereur
rétorqua :
-« J’ai diffusé les textes sacrés, crée des temples,
multiplié les moines, protégé la loi…. Ces actes ne méritent-ils pas quelques
considérations ? »
-« Rien de cela n’est méritoire ! » répondit Da Mo
-« Dis-moi alors, où se trouve la voie ? » interrogea
l’empereur.
-« La voie habite toute chose, rien n’est sacré ! » affirma
Da Mo.
-« Qui es-tu donc alors ? » demanda l’empereur en perdant
patience
-« Je n’en sais rien moi-même… » termina notre émissaire.
Il n’eut la vie sauve, que grâce au prestige qui entourait
son rang de Prince et de Prêtre. Connaissant la susceptibilité des empereurs
chinois, le fait qu’il put partir sain et sauf de la ville, tient du miracle.
Ainsi désavoué, Damo partit vers le Sud.
Il arriva un matin sur la rive du Changjiang
(Yang-Tsé-Kiang) en crue. Pour traverser le fleuve immensément large, il coupa
un roseau à cinq feuille et en marchant sur la branche, il réussit à franchir
le puissant cours d’eau. Il faut savoir qu’à cette époque, en période de crue,
même avec un bateau, il était dangereux de traverser le fleuve. De ce miracle
les descendants de Da Mo, retinrent le nombre 5 comme symbole de son
enseignement.
Finalement, notre voyageur demanda asile aux Daoshi (moines)
du monastère de Shaolin. Mais très vite, il se heurta à leur conception du
Hinayana. Il se retira alors à l’extérieur du monastère, à un kilomètre au
Nord, près du sommet des « 5 mamelons » au fond d’une petite grotte. Il s’assit
face à la paroi, et entra dans un méditation profonde qui allait durer 9 ans,
sans manger, boire ni dormir. Il perdit complètement l’usage de ses mains et de
ses pieds.
Un jour, il eut un instant de faiblesse et s’endormit…. Il
se réveilla furieux, et pour éviter que l’incident ne se reproduise, il se
coupa les paupière et les jeta à terre. Ces paupières donnèrent naissance au
premiers arbres à Thé.
Dans sa méditation, in entra en communication avec le monde
qui l'entourait : il comprenait et dialoguait avec les arbres et les insectes,
les rochers... Le viel ermite avait éveillé la curiosité et l'admiration des
moines du temple. L'un d'entre eux, Hui He, se présenta à lui et demeura une
semaine entière immobile dans la neige à l’entrée de la grotte. Le vieillard ne
semblait pas le voir. Hui He supplia le maître de tenir compte de sa présence ;
et enfin, un matin : « Je ne bougerai pas tant que la neige ne sera rouge ! »
déclara Da Mo, qui voulait ainsi être tranquille. Mais Hui He le prit au mot,
se coupa le bras gauche, inonda la neige de son sang, et porta son bras au
maître. Emu, celui-ci se retourna et écouta.
-« Maître, mon esprit est agité, puis-je te prier de lui
apporter la paix ? » interrogea Hui He.
-« Montre cet esprit tant perturbé, fais le sortir et je lui
donnerai la paix ! »
-« Mais seigneur, il m’est impossible de te montrer mon
esprit… »
-« Tu vois bien, je t’ai déjà apaisé » finit Da Mo, avant de
retourner a sa méditation.
Par la suite, il donna son bol et son bâton a Hui He, et en
fit son successeur.
Da Mo atteint le Nirvana (l’illumination), et sorti finalement
de sa longue méditation. Il redonna vie progressivement à son corps mortifié
par les année, grâce à des exercices qu’il découvrit au cours de ses
méditations.
Il rentra au monastère, mais fut reçu cette fois comme saint
Bodhidharma (l’illuminé ), comme l’appelait maintenant les moines. Il s’aperçut
que la plupart d’entre eux, étaient malades, fragiles, à cause de leur vie
monastique. Aussi, Il leur enseigna sa philosophie (qui allait s’appeler le
Chan – Zen en japonais ) et des techniques pour redonner vie à leur corps : les
Art Martiaux de Shaolin étaient nés. En effet, tous les mouvements qu’il
enseigna, étaient des techniques martiales dont le but était l’efficacité en
combat et le renforcement du corps.
D’après la légende, Bodhidharma mourut à Shaolin, et une
tombe accueillit sa dépouille. Mais quelques mois plus tard, un officier de
l’empereur crut voir le saint homme dans le Turkestan. Il portait son bâton et
une sandale aux pied. L’empereur fit ouvrir la tombe de Bodhidharma où l’on ne
retrouva que la deuxième sandale.
Bodhidharma traversa la Chine comme un mirage, mais son
héritage est bien réel. Les Arts Martiaux de Shaolin venaient d’entrer dans
l’histoire…
L’art Martial de Shaolin devait initialement faire
travailler les moines qui restaient longtemps en méditation. Le principe était
d’activer la circulation du Qi et du sang par des séries de mouvements. Cette
gymnastique a évolué pour aboutir à ce que l’on connaît comme l’art martial de
Shaolin. On considère trop souvent à tort le Shaolin Quan comme un art externe
exclusivement, alors que le style Shaolin peut être divisé en deux branches,
inspirées de deux ouvrages attribués à Da Mo : l’un sur l’interne et l’autre
sur l’externe :
- une branche interne ou Neigong (ou Neijia : travail
interne ) de Shaolin qui était réservée à quelques moines du temples triés sur
le volet parmi ceux qui s’étaient engagés dans l’ordre et passaient leur
existence au monastère. Cette branche interne a quasiment disparu et n’est plus
représentative des art martiaux de Shaolin aujourd’hui.
- une branche externe ou Waigong (ou Waijia : travail
externe ) de Shaolin qui représentait l’enseignement destiné aux moines qui
devaient un jours repartir chez eux, ou quitter le monastère. Il est à noter
que l’art martial Shaolin est aussi qualifié d’art externe, car contrairement
aux arts martiaux familiaux, qui étaient les plus nombreux et se pratiquaient
dans la maison familiale, pour pratiquer le Shaolin Quan, il fallait
s’expatrier, pour aller étudier au temple (donc « à l’extérieur » de chez soi !
).
En effet, à cette époque, il était relativement aisé et
courant de devenir moine, ainsi que de quitter un temple pour revenir à sa vie
profane. En fait, peu de membre étaient réellement et profondément impliqués
dans sa vie spirituelle du temple.
Cette différence d’enseignement, au sein même du temple est
à l’origine de beaucoup d’erreur d’interprétation et de transmission par la
suite. Le style de Shaolin est très répandu, car il était enseigné à ceux qui
le désiraient (ou presque ), alors que l’art interne est peu répandu car chaque
maître n’enseignait qu’à quelques élèves cooptés et ayant fait leurs preuves.
Classiquement on distingue dans le style de Shaolin :
Les trois grandes familles de Shaolin (San Da Jia ) :
- le Hong Jia: style dur, pur, que l’ont pourrait comparer
au karaté Shotokan
- le Kong Jia: style souple et doux
- le Yu Jia: style à la fois, dur, souple et doux (c’est le
cas par exemple du Luohan Quan )
Les quatre grandes écoles de Shaolin (Si Da Men ) :
- le Da Cheng Men
- le Luo Han Men
- le Er Lan Men
- le Wai Tou Men (auquel fait partie le Liu He Men)
Les animaux de Shaolin :
- le Dragon (Long )
- le Léopard ( Bao )
- le Serpent (She )
- Le Tigre ( Hu )
- La Grue (He )
Le Shaolin Quan ( dans son aspect externe ) ne doit plus
être pratiqué avec la même intensité à partir d’un certain âge car quand le
corps vieillissant, il faut davantage orienter sa pratique vers l’interne (Tai
Ji Quan, Ba Gua Zhang, Xin Yi Quan, Zi Ran Men …) et la santé, sous peine de
voir apparaître des problème médicaux.
Il existe bien certains enseignants ou maîtres en Chine qui
continuent à pratiquer au delà de 40 ans, mais ils meurent relativement tôt.
Quand on s’est entraîné pendant dix ans, jusqu’à plusieurs heures par jour, il
faut être capable de modérer sa pratique et de trouver une activité juste, pour
conserver la vitalité et entretenir la chaleur interne développée par
l’entraînement antérieur. Si l’on continue à s’entraîner comme avant on s’expose
au risque de faire monter la température et s’épuiser (c’est ce qu’on appelle
entre autre le syndrome du « Feu du Dragon »). En effet, « Si l’on affûte trop
longtemps son épée, non seulement elle ne coupe plus mais la lame a disparu ».
En Chine, la progression traditionnelle passe par la
pratique d’un style externe les trois premières années. Pendant les trois
années où l’on ne pratique que l’externe, il convient de ne pratiquer qu’un
seul style afin de réellement le maîtriser. Il devient alors beaucoup plus
facile de s’orienter vers d’autres style (externe ou interne ), en s’appuyant
sur des bases solides.
Avec le temps, Shaolin est devenu célèbre pour son art du
bâton ( alors que le mont Wudang l’était pour l’épée ). Voici comment la
légende attribue à Jin Na Luo l’introduction du bâton au temple.
Un jour de la fin du VI° siècle, le temple est attaqué par
un troupe de brigands. Les moines essaient de résister, mais rapidement, ils
sont rapidement submergés et c’est la « débandade » ! Intervient alors un moine
mendiant qui était hébergé depuis quelque jours dans l’enceinte du monastère.
Armé de son seul bâton, il se lança dans la mêlée. Avec virtuosité et célérité,
il mit hors de combat tous les bandits à sa portée. Il frappait de droite et de
gauche… toujours avec une égale vitesse et une redoutable précision. Surpris
d’une telle résistance, la troupe d’assaillant fait volte-face et se replie en
ordre dispersé. Après cette victoire inattendue, les moines tombent à genoux
devant leur sauveur, pour le remercier et le supplient de rester pour leur
enseigner le maniement du bâton. Le mendiant connu sous le nom de Jin Na Luo,
accepta et transmis son savoir … de même qu’il nettoyait le four (car telle
était sa charge communautaire) … avec son bâton!
Il est à noter qu’il existe également des armes propres à Shaolin comme la canne de Damo, les crochets, la pelle du moine…
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